Ombeline, c’est une jeune demoiselle que j’ai vu grandir et que j’ai longtemps gardé quand elle était petite. L’avoir à mes côtés pendant un an a été un vrai bonheur. Comme avec tous mes stagiaires, j’ai eu envie de lui laisser une tribune sur mon site internet. Un sujet : celui qu’elle voulait. Et elle a choisi de réfléchir autour de la thématique artistique. Je vous laisse donc en sa compagnie et sa plume délicate.

Je ne suis pas une artiste
Par Ombeline • 20 ans • BTS Communication • Lycée Jean Lurcat, Paris 13
Chacun détient sa propre vision de la photographie. Yann Arthus-Bertrand a choisi de se servir de son appareil photo pour nous interpeller sur la fragilité de la planète et sa beauté unique. Les reporters de guerre, témoins de notre histoire, sont à la recherche du scoop ou d’un moment qui marquera notre mémoire collective. Certains ont aussi une vision plus glamour, incarnée par la mode, la publicité ou encore le domaine artistique. Et quand la magie opère, nous vivons des instants « de Grâce ». « Le baiser à l’hôtel de ville » de Robert Doisneau en est le témoignage.
Parmi ces multiples interprétations et représentations de la photographie, il y avait ma propre vision, celle que je m’étais construite au fil des années et de mes rencontres artistiques. J’avais peu de connaissance sur le métier de photographe et peu d’a priori. Grâce à mon expérience avec Agnès, j’ai découvert un autre aspect du monde de la photographie, celui d’une photographe indépendante, qui revendique haut et fort qu’elle n’est pas une artiste. Une photographe qui met en avant sa singularité dans son rapport au « client ». « J’apporte quelque chose de différent, une expérience unique que je partage avec mes clients » m’avait-elle expliqué au début de notre collaboration.

Mon rapport à l’art
Enfant, mon rapport à l’Art n’a pas été directement lié à la photographie. Je dansais, je jouais du piano, j’étais intriguée par les peintures, touchée par la musique, fan incontestable de lecture et de cinéma et très curieuse. Très jeune, j’ai eu la chance de voyager et de découvrir des paysages et des cultures cosmopolites. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’ouvrir au monde de la photographie, à travers, des photos prises au Samsung pendant mes voyages…
Au lycée, j’ai choisi d’étudier l’histoire de l’Art en option. C’est réellement à partir de ce moment que j’ai commencé à développer une culture photographique. J’ai été fascinée par les photographies de guerre de Robert Capa, admirative devant le travail du noir et blanc des paysages d’Ansel Adams, inspirée par la mise en scène et les décors des photographies de David Lachapelle… Après le lycée, j’ai poursuivi mes études en histoire de l’Art puis je me suis intéressé à l’écriture et aux sciences humaines.
Actuellement, j’étudie la communication. On me demande souvent pourquoi j’ai choisi cette mission pour mon alternance. J’ai un peu de mal à l’expliquer, mais je sais que ce n’est pas un hasard si je la réalise aux côtés d’Agnès.
C’est quoi « un artiste » ?
Il y a une phrase qu’Agnès a fréquemment prononcée tout au long de mon année à ses côtés : « Je ne suis pas une artiste ».
Le sens du mot « artiste ».
J’ai cherché à en comprendre le sens. J’ai beaucoup observé son travail. J’ai essayé de comprendre son approche et la relation qu’elle instaurait avec ses clients. Selon moi, Agnès exprime une forme de simplicité, de sincérité, dans son rapport à la photographie. Je m’explique. La création artistique peut parfois, dans sa recherche d’esthétique, s’éloigner de l’essentiel, des instants vécus, de la spontanéité, du « vrai ». Agnès, quant à elle, propose une sincérité, proximité avec les gens. On y trouve une forme d’honnêteté dans l’émotion, un naturel qui permet de capter la réalité du moment vécu et partagé. Elle ne produit pas sa propre création, elle capte un instant et des scènes de vie. Celle de l’autre, des autres. Autrement dit, au-delà de ce que l’on peut voir dans la création artistique accompagnée d’artifices, de mises en scènes… Agnès révèle le naturel, le partage, le lien confiance, la bienveillance, la force du vécu, le moment de « vérité », sans artifice ni jeu d’acteur. Elle est à la recherche d’une émotion pure.
Un photographe possède-t-il plusieurs fonctions ?
Dans mon quotidien avec Agnès, j’ai également découvert une autre fonction de la photographie qui pourrait s’apparenter à un rôle social. En effet, dans cette dimension relationnelle qu’elle crée avec son client, on peut dire qu’Agnès participe à la création d’un lien social. C’est exactement ce que je ressens quand je l’écoute et l’observe. Pour moi, elle crée un lien particulier en s’intéressant aux gens, à leur vie, que ce soit aux vies de chaque famille ou à celle des entreprises. C’est un rôle à part entière, puisqu’en plus de penser la photo, de mettre en scène ses différentes idées, capter l’émotion souhaitée, il s’agit de créer un environnement serein, qui va permettre à son client de lâcher prise, de passer un bon moment et de s’imprégner de son univers en lui faisant confiance. Un photographe peut donc avoir une autre fonction que celle de la création artistique.
Créer de l’émotion.
J’ai toujours considéré qu’être une artiste, c’est simplement créer de l’émotion. Ce qu’on attend de toutes les œuvres artistiques, c’est d’apporter sa propre vision, de créer une émotion, du plaisir, mais aussi cette dimension universelle du sentiment humain. Dans son travail, Agnès n’a aucunement l’objectif de créer une œuvre d’art. Et pourtant, on y retrouve cette dimension universelle, cette émotion unique que nous ressentons face aux œuvres d’art.
C’est pourquoi, je considère qu’à sa façon, Agnès est aussi une artiste. Elle propose un univers bien à elle et elle capture des émotions qui resteront à jamais dans l’héritage des familles et feront partie de leur patrimoine. La richesse de ce qu’elle apporte, c’est sa vision, son monde, sa sensibilité.
Alors Agnès, je te suggère une nouvelle phrase pour ton prochain alternant ou stagiaire : « Je suis une artiste et mes œuvres sont exposées dans de nombreux foyers ». Merci de m’avoir donné l’occasion de rencontrer et de comprendre le métier de photographe indépendant, tel que tu le conçois.

J’ai mis plus de six mois à intégrer cet article sur mon site internet. Je disais par manque de temps, mais je me rends compte que c’était peut-être par pudeur. J’avoue être très touchée par le texte d’Ombeline. Cela me donne à réfléchir sur le sens que je donne moi-même à ce mot d’artiste. Merci Ombeline pour ce retour, merci pour cette année à tes côtés, merci pour tout.